Cette nuit du 21 août 2013, Lubna Alkanawati dort les fenêtres ouvertes. La chaleur est étouffante dans la Ghouta orientale, une banlieue située à l’est de Damas, la capitale syrienne. Dans un demi-sommeil, elle entend vers “2 heures du matin” les sirènes des ambulances, “qui n’avaient jamais été aussi intenses” depuis le début de la guerre civile dans le pays. Cette femme, aujourd’hui âgé de 43 ans et installée en France, s’aventure sur son balcon. L’électricité et internet sont coupés dans ce quartier sous contrôle de l’Armée syrienne libre (ASL), le téléphone ne fonctionne plus. “J’ai crié aux gens qui étaient sortis dans la rue ‘que se passe-t-il ?’ Ils m’ont répondu ‘attaque chimique !'”, se souvient l’activiste syrienne et militante féministe, partie civile dans une procédure judiciaire inédite.

Dix ans après cette attaque chimique imputée au régime de Bachar Al-Assad, la justice française a émis un mandat d’arrêt contre le président syrien, toujours au pouvoir, et trois autres cadres du régime pour complicité de crimes contre l’humanité. Parmi les victimes – plus de 1 100 sont mortes et 5 000 ont été blessées, selon le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR) -, figurent en effet des Franco-Syriens.

Jamais un pays n’avait émis un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en exercice. Mais le Parquet national antiterroriste (Pnat) a demandé l’annulation de ce mandat, au motif qu’il est réservé d’ordinaire aux juridictions internationales, telle la Cour pénale internationale. Il souhaite “voir cette question tranchée par une juridiction supérieure”, avait-il expliqué à l’AFP avant l’examen de sa requête, mi-mai. La cour d’appel de Paris doit rendre sa décision mercredi 26 juin. “Cet arrêt est décisif. Reconnaître, comme l’affirme le Pnat, que Bachar Al-Assad bénéficie d’une immunité – véritable bouclier procédural – reviendrait à le protéger de toute poursuite en France et consacrerait une situation d’impunité”, observent auprès de franceinfo Clémence Witt et Jeanne Sulzer, avocates de plusieurs parties civiles et des quatre ONG constituées parties civiles dans ce dossier. 

“Je sais bien que ce mandat d’arrêt ne ramènera pas Bachar Al-Assad en prison. Ce qui est très important pour moi, en tant que survivante et témoin de ces attaques, c’est la reconnaissance légale de ce qu’il s’est passé.”

Lubna Alkanawati, partie civile

à franceinfo

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